Accueil A la une Interview avec Docteur Samir Abdelmoumen (membre de la Commission nationale de lutte contre le coronavirus) : « Les gouvernements qui ont gagné la bataille sont ceux qui ont adopté une stratégie intelligente »

Interview avec Docteur Samir Abdelmoumen (membre de la Commission nationale de lutte contre le coronavirus) : « Les gouvernements qui ont gagné la bataille sont ceux qui ont adopté une stratégie intelligente »

Le relâchement observé ces dernières semaines soulève la crainte d’une nouvelle vague de contaminations et ce, en dépit de la baisse significative du nombre de personnes contaminées observée depuis la semaine dernière. Le gouvernement, en collaboration avec le ministère de la Santé, a décidé, toutefois, de ne pas baisser la garde en maintenant les restrictions pour certains espaces  comme les cafés, les restaurants et les mosquées afin de limiter le risque de propagation de la maladie. Membre de la Commission nationale de lutte contre le coronavirus au sein du ministère de la Santé, Dr Samir Abdelmoumen a bien voulu faire le point sur le Covid-19

Comment expliquez-vous que le RO du coronavirus, c’est-à-dire le taux de rapidité de contagion, ait faibli depuis le début de l’épidémie ?

On ne peut avancer aucune affirmation, ni aucune explication scientifique sur ce sujet. Il n’y a pas de dogme établi. Tout ce qu’on peut avancer comme hypothèse, c’est qu’en se dupliquant plusieurs fois et en se transmettant d’une personne à l’autre, le virus finit par perdre de sa virulence au fil du temps.

Le relâchement observé ces dernières semaines ne risque-t-il pas d’entraîner une seconde vague de contaminations ?

Le risque est réel.

Avec l’approche de l’été, la chaleur peut-elle jouer un rôle dans l’affaiblissement de la virulence du coronavirus ?

Des exemples comme le Koweït, l’Arabie Saoudite, le Qatar ou les Emirats arabes unis, où on enregistre tous les jours un nombre très élevé de personnes contaminées alors qu’il fait chaud, ne nous permet pas du tout d’établir de lien de causalité avec la chaleur. Finalement, on en apprend tous les jours sur le coronavirus. Pour l’heure, nous ne connaissons que 5% du  Sars-COv2 qui n’a pas encore dévoilé tous ses mystères. Il y aura des études sur ce virus pendant plusieurs années.

Le dépistage massif a été utilisé comme une arme stratégique dans plusieurs pays pour dépister le plus grand nombre de personnes et circonscrire la pandémie. Pourtant, notre ministère de la Santé a préféré opter pour le dépistage ciblé…Pour quelles raisons ?

Les gouvernements qui ont gagné la bataille contre le coronavirus sont ceux qui ont adopté une stratégie intelligente, en l’adaptant aux moyens et aux spécificités de leur pays. Notre pays n’a pas les mêmes moyens que la France où les dépenses consacrées à la santé par tête d’habitant sont 1.500 fois plus élevées qu’en Tunisie. La stratégie de dépistage ciblé a donné de bons résultats jusqu’ici au regard de l’évolution de la courbe de l’épidémie en Tunisie.

Nous avons appris que des personnes rapatriées et qui sont mises en isolement obligatoire n’ont pas été soumises aux tests de dépistage…

Toutes les personnes qui ont été mises en isolement obligatoire seront désormais soumises à des tests de dépistage PCR entre le septième et le dixième jour.

Pourquoi le ministre de la Santé a-t-il interdit la baignade en mer ?L’eau de mer transmet-elle le virus ?

Les propos du ministre ont été mal interprétés. Le problème ne réside pas dans la baignade proprement dite car l’eau de mer est un désinfectant. Le sel détruit l’enveloppe du virus. Il faut savoir qu’on  utilise, en effet, du sérum à base d’eau salée pour désinfecter les plaies. La crainte émane plutôt du risque que pourraient représenter les regroupements sur la plage et le non-respect de la distanciation sociale. Il s’agit de restreindre la baignade en mer le temps de mettre en place le protocole sanitaire nécessaire pour éviter le risque de contagion. Par ailleurs, il  faut savoir que si la fermeture des mosquées a été maintenue, c’est en raison de la catégorie des personnes qui fréquentent ces espaces. Il s’agit en grande partie de personnes âgées et qui sont fragiles. Elles sont, par conséquent, exposées au risque de contamination en raison de la promiscuité dans ces espaces clos que sont les mosquées.

Le nombre d’appels reçus sur le 190 a-t-il baissé ? Est-ce un indice révélateur ?

Oui il a baissé. Alors qu’on recevait prés de 25.000 appels par jour, dont plusieurs centaines d’appels en rapport avec le Covid, aujourd’hui on ne reçoit plus qu’entre 20 et 25 appels en rapport avec une suspicion de coronavirus. Il s’agit là d’un indice révélateur de la diminution de la contagiosité du virus.

Pouvez-vous nous faire le point sur le recours aux tests rapides en Tunisie ? Va-t-on ou non les utiliser ?

Ils sont peu fiables et donnent une fausse sécurité. La RT-PCR reste la technique de référence pour le diagnostic du  Covid-19. Quant aux données scientifiques sur le recours aux tests de diagnostic rapides, elles sont utiles dans les recherches épidémiologiques ainsi que pour apprécier l’état immunitaire d’une population cible.

Le virus risque-t-il de récidiver l’hiver prochain ?

Aucune preuve pour le moment. Nous sommes en train de nous préparer à cette éventualité.

Quelles leçons tirer de cette pandémie ?

La pandémie de Covid-19 est un véritable désastre sanitaire.  Nous devons profiter de l’après-crise pour investir davantage dans l’humain et dans le système de santé publique et pour  développer aussi la recherche médicale.

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